Le Prince - Nicolas MACHIAVEL - ISBN: 978-2-253-00487-5
-
Le meilleur moyen qui se présente ensuite est d'établir des colonies dans un ou deux endroits qui soient comme les clefs du pays : sans cella on est obligé d'y entretenir un grand nombre de gens d'armes et d'infanterie.
-
[...] quand il s'agit d'offenser un homme, il faut le faire de telle manière qu'on ne puisse redouter sa vengeance.
-
[...] un État accoutumé à la liberté est plus aisément gouverné par ses propres citoyens que par d'autres.
-
[...] quiconque, ayant conquis un État accoutumé à vivre libre, ne le détruit point, doit s'attendre à en être détruit. Dans un tel État, la rébellion est sans cesse excitée par le nom de la liberté.
-
(la tiédeur d'un adversaire est causée par) l'incrédulité commune à tous les hommes, qui ne veulent croire à la bonté des choses nouvelles que lorsqu'ils en ont été bien convaincus par l'expérience.
-
Toutefois, répétons que les grands hommes tels que ceux dont il s'agit rencontrent d'extrêmes difficultés ; que tous les dangers sont sur leur route; que c'est là qu'ils ont à les surmonter; et que lorsqu'une fois ils ont traversé ces obstacles, qu'ils ont commencé à être en vénération, et qu'ils se sot délivrés de ceux de même rang qui leur portaient envie, ils demeurent puissants, tranquilles, honorés et heureux.
-
[...] le ressentiment et la crainte sont surtout ce qui rend les hommes ennemis.
-
Les cruautés sont bien employées (si toutefois le mot bien peut être jamais appliqué à ce qui est mal), lorsqu'on ne les commet toutes à la fois, par le besoin de pourvoir à sa sûreté, lorsqu'on n'y persiste pas, et qu'on les fait tourner, autant qu'il est possible, à l'avantage des sujets. Elles sont mal employées, au contraire, lorsque, peu nombreuses dans le principe, elles se multiplient avec le temps au lieu de cesser.
-
Les cruautés doivent être commises toutes à la fois, pour que, leur amertume se faisant moins sentir, elles irritent moins; les bienfaits, au contraire, doivent se succéder lentement, pour qu'ils soient savourés davantage.
-
Sur toutes choses, le prince doit se conduire envers ses sujets de telle manière qu'on ne le voie point varier selon les circonstances bonnes ou mauvaises. S'il attend d'être contraint par la nécessité à faire le mal ou le bien, il arrivera, ou qu'il ne sera plus à temps de faire le mal, ou que le bien qu'il fera ne lui profitera point: car on le croira fait par force, et on ne lui en saura aucun gré.
-
Pour conclure, voici la conséquence de toute ce qui vient d'être dit. Celui qui devient prince par la faveur du peuple doit travailler à conserver son amitié, ce qui est facile, puisque le peuple ne demande rien de plus que de n'être point opprimé. Quant à celui qui le devient par la faveur des grands, contre la volonté du peuple, il doit, avant toute chose, chercher à se l'attacher, et cela est facile encore, puisqu'il lui suffit de le prendre sous sa protection. Alors même le peuple lui deviendra plus soumis et plus dévoué que si la principauté avait été obtenue par sa faveur; car, lorsque les hommes reçoivent quelque bien de la part de celui dont ils n'attendaient que du mal, ils en sont beaucoup plus reconnaissants. Du reste, le prince a plusieurs moyens de gagner l'affection du peuple; mais, comme ces moyens varient suivant les circonstances, je ne m'y arrêterai point ici: je répéterai seulement qu'il est d'une absolue nécessité qu'un prince possède l'amitié de son peuple, et que, s'il ne l'a pas, toute ressource lui manque dans l'adversité.
-
Le prince doit donc, s'il est doué de quelque sagesse, imaginer et établir un système de gouvernement tel, qu'en quelque temps que ce soit et malgré toutes les circonstances, les citoyens aient besoin de lui: alors il sera toujours certain de les trouver fidèles.
-
En un mot, ce qu'on doit craindre des troupes mercenaires, c'est leur lâcheté; avec des troupes auxiliaires, c'est leur valeur.
-
[...] la faible prudence humaine se laisse séduire par l'apparent bonté qui, dans bien des choses, couvre le venin qu'elles renferment, et qu'on ne reconnaît que dans la suite, comme dans ces fièvres d'étisie [...].
-
Il faut donc qu'un prince qui veut se maintenir apprenne à ne pas être toujours bon, et en user bien ou mal, selon la nécessité.
-
[...] tout prince doit désirer d'être réputé clément et non cruel.
-
Un prince ne doit donc point s'effrayer de ce reproche, quand il s'agit de contenir ses sujets dans l'union et la fidélité. En faisant un petit nombre d'exemples de rigueur, vous serez plus clément que ceux qui, par trop de pitié, laissent s'élever des désordres [...].
-
[...] le meilleur serait d'être l'u et l'autre. [...] il est plus sûr d'être craint que d'être aimé.
-
[...] le prince qui veut se faire craindre doit s'y prendre de telle manière que, s'il ne gagne point l'affection, il ne s'attire pas non plus la haine;
-
[...] les hommes, aimant à leur gré, et craignant au gré du prince, celui-ci doit plutôt compter sur ce qui dépend de lui, que sur ce qui dépend des autre: il faut seulement que, comme je l'ai dit, il tâche avec soin de ne pas s'attirer la haine.
-
[...] il faut donc qu'un prince sache agir à propos, et en bête et en homme.
-
[...] tant qu'il le peut-il ne s’écarte pas de la voie du bien, mais qu'au besoin il sache entrer dans celle du mal.
-
[...] à le voir et à l'entendre on le croie tout plein de douceur, de sincérité, d'humanité, d'honneur, et principalement de religion, qui est encore ce dont il importe le plus d'avoir l’apparence : car les hommes, en général, jugent plus par leurs yeux que par leurs mains, tous étant à portée de voir, et peu de toucher.
-
Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son État : s'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde. [...] Le petit nombre n'est écouté que lorsque le plus grand ne sait quel part prendre si sur quoi asseoir son jugement.
-
Ce qui peut faire mépriser, c'est de paraître inconstant, léger, efféminé, pusillanime, irrésolu, toutes choses dont le prince doit se tenir loin comme d'un écueil, faisant en sorte que dans toutes ses actions on trouve de la grandeur, du courage, de la gravité, de la fermeté;
-
[...] on aura toujours de bons amis quand on aura de bonnes armes;
-
(ne pas) encourir la haine des grands en favorisant le peuple, et celle du peuple en favorisant les grands. (il est) bon d'établir la tiers autorité d'un tribunal qui pût, sans aucune fâcheuse conséquence pour le roi, abaisser les grands et protéger les petits.
-
[...] les princes qui ne peuvent éviter d'être haïs par quelqu'un, doivent d'abord chercher à ne pas l'être par la multitude ; et s'ils ne peuvent y réussir, ils doivent faire tous leurs efforts pour ne pas l'être au moins par la classe la plus puissante.
-
Le prince qui a le plus de peur de ses sujets que des étrangers doit construire des forteresses ; mails il ne doit point en avoir s'il craint plus les étrangers que ses sujets
-
La meilleure forteresse qu'un prince puisse avoir est l'affection de ses peuples
-
Faire de grandes entreprises, donner par ses actions de rares exemples, c'est ce qui illustre le plus un prince.
-
[...] agir, en toute circonstance, de telle façon qu'on soit forcé de le regarder comme supérieur au commun des hommes.
-
On estime aussi un prince qui se montre franchement ami ou ennemi, c'est-à-dire qui sait se déclarer ouvertement et sans réserve pour ou contre quelqu'un;
-
Ce parti de la neutralité est celui qu'embrassent le plus souvent les princes irrésolus, qu'effrayent les dangers présents, et c'est celui qui, le plus souvent aussi, les conduit à leur ruine.
-
[...] un prince ne doit jamais [...] s'associer à un autre plus puissant que lui pour en attaquer un troisième [...] car la victoire le mettrait à la discrétion de cet autre plus puissant;
-
Un prince doit encore se montrer amateur des talents, et honorer ceux qui se distinguent dans leur profession. Il doit encourager ses sujets, et les mettre à portée d'exercer tranquillement leur industrie, soit dans le commerce, soit dans l'agriculture, soit dans tous les autres genres de travaux auxquels les hommes se livrent;
-
Il doit faire espérer des récompenses à ceux qui forment de telles entreprises, ainsi qu’à tous ceux qui songent à accroître la richesse et la grandeur de l'État.
-
On peut distinguer trois ordres d'esprit, à savoir: ceux qui comprennent par eux-mêmes, ceux qui comprennent lorsque d'autres leur démontrent, et ceux enfin qui ne comprennent ni par eux-mêmes, ni par le secours d'autrui.
-
voyez-vous un ministre songer plus à lui-même qu'à vous, et rechercher son propre intérêt dans toutes ses actions, jugez aussitôt qu'il n'est pas tel qu'il doit être, et qu'il ne peut mériter votre confiance;
-
Il doit s'il est prudent, faire choix dans ses États de quelques hommes sages, et leur donner, mais à eux seuls, liberté entière de lui dire la vérité, se bornant toutefois encore aux choses sur lesquelles il les interrogera. Il doit, du reste, les consulter sur tout, écouter leurs avis, résoudre ensuite par lui-même;
-
Un prince doit donc toujours prendre conseil, mais il doit le faire quand il veut, et non quand d'autres le veulent; il faut même qu'il ne laisse à personne la hardiesse de lui donner son avis sur quoi que ce soit, à moins qu'il ne le demande;